THEATRE DEMODOCOS

HOMERE

Homère et Léonard de Vinci

l'aveugle et le voyant

Par où se rencontrent donc l'Antiquité grecque et Léonard de Vinci ? La clarté sereine tant vantée dans les proportions des tragédies et des temples, dans la posture de l'homme capté idéalement par les arts figurés, illumine un jour l'Italie, et provoque, sur le vieux fond roman, qui transmettait encore la voûte, le geste et la couleur initiatiques, la renaissance d'un monde où l'homme conteste à Dieu la première place.

Une profonde et souterraine unité relie les Artémis et autres déesses féminines, virginales ou maternelles, les kouroi et les Apollon, aux figures de Jean, Anne, ou Léda, et des autres Madones léonardiennes. Et le visage prophétique de saint Jean-Baptiste ! vibrant d'une mystique puisée dans les arbres, les plantes, le ciel, où l'air et la couleur, par le miracle du sfumato, transfigurent les apparences pour créer le trouble dionysiaque, l'ambiguité sexuelle, l'identité mimétiquement restaurée – sourire d'un jeune homme, ou grâce d'une statue grecque – jusqu'à la confusion : on ira même jusqu'à nommer Bacchus le Saint Jean-Baptiste acquis par Louis XIV.

Le plus grand des poètes, Homère, bâtisseur-faber-poiêtês, ne dédaigne pas la structure – même dans le flux de la voix épique ; il connaît, non moins que le savant ou l'artisan ; il engendre le motif, le construit, en le façonnant, syllabe après syllabe, dans l'espace mesuré par les temps de l'hexamètre. Il compte les jours de son calendrier d'aurores, il refait l'Iliade par l'Odyssée, il fait passer Ulysse par des points secrets de rencontre avec Achille. Ulysse retrouve Télémaque à l'instant où Achille perd Patrocle. Ulysse monte avec Pénélope sur le lit des époux réunis à l'instant où la flamme emporte la chair de Patrocle sur le bûcher d'amour construit par son ami. Homère fait confiance au langage, il chante le conflit ou la séparation dans l'harmonie, cette construction mentale et cosmique, ce système d'oppositions et d'analogies, cette roue dans laquelle Léonard enserre, au compas, ses figures récurrentes de visages et de mains.

Expression commune d'un art fondé sur le retour dionysiaque du même, de métamorphose en métamorphose, dans un espace magnétisé, délicieusement hypnotique, et où l'hypnose qui nous fascine procède de la plus mystérieuse alliance qui soit en art, celle d'Apollon et d'Aphrodite.

Philippe Brunet voudrait « déployer la voix tendue de l'hexamètre homérique, en grec ancien ou en français, devant des passants absorbés dans la haute songerie provoquée par les oeuvres de Léonard de Vinci ; qu'Homère ne leur soit pas une distraction, mais un écho familier de leur mémoire profonde ».
Homère et Léonard de Vinci :
Voir le programme
Voir l'album : l'album

Retour à bibliothèque
Retour en page accueil



Mis à jour le 2/06/2007>