Aèdes ou satyres ? Bonjour à tous,
On peut se demander quel est notre penchant préféré... Démodocos, l'aveugle, nous veut aèdes. La tragédie, depuis l'Orestie, nous reconnaît satyres. En 2006 comme en 2005, la route est double. Etre aèdes avec l'Iliade, être satyres avec Antigone.
Satyres, c'est considérer que la tragédie a sa source dans le drame satyrique qui est la fin de tout spectacle tragique. Et c'est reconnaître la dimension particulièrement satyrique de l'Antigone de Sophocle, où un Garde pousse une jeune fille sans ménagement devant son tribunal, et où un choeur de vieillards admire l'audace de deux jeunes filles, et l'audace non moins insolente d'un jeune homme, au point d'en venir à entonner un Hymne au Désir, avant d'observer la danse nuptiale de la jeune fille et son chant d'épithalame au seuil de la mort. Le spectacle serait scandaleusement satyrique si l'issue n'était pas si tragique.
Aèdes, c'est oublier la puissance de manifestation qui investit le paraître théâtral dans ses métamorphoses et ses masques, pour revenir à la source de la parole musicale.
Les deux aspects du travail étaient présents lors du festival des Dionysies, que nous avons organisé avec Dido Lykoudis, pour sa première édition.
Nous poursuivons la lecture de l'Iliade, qui sera dite dans une version nouvelle, unique, à Athènes, dans moins de deux semaines, en doublant les voix françaises de grec ancien et de grec moderne.
Nous invitons le public athénien qui le souhaite à participer. A tenter de rentrer dans le rythme. A scander le récit immémorial. A ne plus laisser vivre que le rythme du vers, porteur de tous les conflits du verbe et du mètre. Le mouvement, l'action, y devient tributaire de la profération des syllabes dans le vers. Nous allons rentrer dans un long récital de trois jours. Trois jours à dérouler l'Iliade tout entière.
Nous choisirons dans l'instant la forme des mots : Agamemnon, fils d'Atrée, ou Atride, ou encore Atréide... Nefs, embarcations, navires..... Dieux, divinités, immortels, Olympiens.... et des épithètes. C'est la liberté de dire et de redire, de changer, au gré du flux. Pour commencer, pour devenir toujours plus aèdes.
Puis, pour retremper notre fatique, nous prendrons la décision - rejouer Antigone, porter les masques d'Yves Leblanc, chanter les chants de François Cam. Revenir sur la scène pour célébrer le rituel tragique. A Avignon ?
Deux jours encore pour décider. A suivre....
Philippe Brunet, le 1er mai 2006